Parler aux bébés, quelle drôle d’idée !

Publié le par Milan Presse

« Ça ne sert à rien de parler aux nouveau-nés » ; « Ils ne comprennent pas ce qu’on raconte » ; « Ils n’ont pas l’air de nous écouter ». Et pourtant… Dès la naissance, et même avant, les bébés sont capables de mémoriser des informations. Et c’est cette capacité qui leur permet de se lancer dans les grands apprentissages de la vie, comme apprendre à parler.

À quel moment le bébé commence-t-il cet apprentissage du langage ?

Nawal Abboub : Contrairement à ce qu’on pense, ce n’est pas au moment où il prononce ses premiers mots, ni même ses premiers babillages. Un bébé apprend le langage dès qu’il entend des paroles… et ça commence bien avant la naissance. Dès le troisième trimestre de grossesse, leur oreille est déjà assez mature pour analyser les sons. Même s’ils sont dans une grande piscine, ils entendent des sons. Ils vont entendre la mélodie de la parole, appelée aussi « prosodie ». Des recherches très récentes, faites par le professeur Fabrice Wallois, dans un laboratoire à Amiens, montrent que ces réseaux du langage sont en place dès 28 semaines de grossesse. Donc, oui : dans le ventre de sa mère, le bébé a déjà un cerveau bien outillé pour entendre et analyser les sons qui l’entourent pendant le dernier trimestre de la grossesse.

Et après la naissance, que se passe-t-il ?

N. A. : À la naissance, on s’aperçoit que les réseaux du langage qui s’activent automatiquement dans le cerveau d’un bébé qui entend des paroles sont les mêmes que chez l’adulte. C’est ce que le professeur Wallois avait mis en évidence dès 28 semaines de grossesse. Ces réseaux se localisent plutôt dans la partie gauche du cerveau. Ces zones (que l’on appelle « les aires du langage »), composées de neurones spécialisés dans le traitement du langage, sont déjà prêtes à fonctionner avant la naissance.

Est-ce pour cette raison qu’un bébé reconnaît la voix de sa mère à la naissance ?

N. A. : Oui, il la reconnaît et même si on lui fait écouter d’autres voix de femmes, c’est celle de sa mère qu’il préfère entendre. Mais les bébés n’ont pas seulement mémorisé sa voix, ils ont aussi mémorisé des éléments très précis de sa langue maternelle, comme la musique de la langue. Les langues sont différentes en termes de musicalité. Par exemple, en français, nous avons beaucoup de changements de durée, avec un allongement sur les fins des phrases. En revanche, nous avons peu de différences d’intensité dans les mots ou encore de tonalité, cette différence de hauteur de son. En anglais, ces indices sont très utilisés, surtout au début des mots et des phrases. Les langues varient, car elles ont une structure musicale et des sons très particuliers. Et les bébés commencent très tôt à mémoriser ces caractéristiques fines de la langue. Cela veut dire qu’ils ont déjà, en quelque sorte, commencé à l’acquérir.

Comment le sait-on ?

N. A. : Une de mes recherches faites entre 2011 et 2016 à l’hôpital Robert-Debré, à Paris, avec notre équipe du CNRS (notamment Judith Gervain et Thierry Nazzi) a mis en évidence ce phénomène. Nous avons posé des capteurs sur la tête de nouveau-nés et nous avons vu qu’en fonction de la langue parlée par la maman, soit le français, soit le français et une autre langue, leurs cerveaux ne réagissaient pas de la même manière aux sons proposés.

Quels étaient ces sons ?

N. A. : Nous leur avons présenté des sons qui leur étaient soit familiers, c’est-à-dire ceux présents dans la musique de leur langue maternelle, soit non familiers, peu présents dans leur langue maternelle. Nous avons regardé attentivement comment le cerveau des tout-petits analysait ces différents sons. Nous avons observé que le taux d’oxygénation du sang, qui reflète l’activité cérébrale, variait en fonction de la nature familière ou non familière des sons…

Comment interprétez-vous cela ?

N. A. : Cela veut dire que leur cerveau a commencé à apprendre des caractéristiques fines de la langue maternelle. En quelque sorte, il a déjà commencé à se spécialiser.

L’expérience prénatale a un rôle plus important que ce qu’on croyait. La ou les langues parlées par les mamans impactent déjà l’apprentissage de la langue chez les bébés.

Comment les parents peuvent-ils les aider dans cet apprentissage ?

N. A. : Entendre des mots, c’est bien, mais ce n’est pas suffisant pour que l’information soit retenue par le cerveau d’un bébé. Les dernières recherches scientifiques montrent que les interactions sociales sont cruciales dans le développement de l’enfant et de son cerveau. Il faut donc parler, mais avec lui ! Capter son regard, l’interroger pour savoir ce qu’il en pense, le surprendre, attirer son attention, mais également l’encourager, souligner ses progrès. Quand les jeux, les comptines, les livres proposés à l’enfant sont variés et utilisés dans des contextes différents (bain, cuisine…), c’est la combinaison gagnante pour un apprentissage de qualité.

Propos recueillis par Elise Rengot.

Sources :
https://presse.inserm.fr/des-6-mois-de-grossesse-le-cerveau-humain-est-organise-pour-traiter-la-parole/6868/
http://www.theses.fr/fr/2015USPCB001

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